Bilqiss, Saphia Azzedine, éd. J’ai lu, 2016, EAN 978-2290121849
L’histoire d’une femme libre dans un pays où il est impossible de l’être et encore moins de le revendiquer.
Déjà, après l’accouchement, on aurait pu prédire les quelques emmerdes qui allaient parsemer mon existence. Au lieu d’être accueillie sous les exclamations du voisinage qui n’en finissait pas d’espérer dans la pièce d’à côté, ce fut par un laconique « Ainsi soit la volonté d’Allah » que mon père avait dispersé la foule et mis fin aux festivités. L’accoucheuse, sur le seuil, le visage endeuillé, m’en voulait aussi de ne pas être un fils ; je lui faisais ainsi rater une belle occasion d’être célébrée. Vieille d’une heure et déjà accusée par mon sexe. Je n’aurais pas cru cependant qu’il serait à l’origine de tant de maux. Rien ne m’a jamais causé plus de tracas. Seulement, cette fois, ce n’étaient plus des coups, des brimades ou des humiliations qui me guettaient pour avoir désobéi, mais bel et bien la peine de mort par lapidation sur la place publique […].
Coupable d’avoir, du haut du minaret, déclamé l’adhan (l’appel à la prière) à la place du muezzin, Bilqiss est jugée.
Le roman retrace les quelques jours de ce semblant de procès, et donne la parole, tour à tour, aux trois personnages principaux :
- Bilqiss, fougueuse et insolente, qui refuse de se soumettre, et affronte seule, avec ses mots pour seule arme, l’avocat de l’accusation et le juge. Elle fustige les fanatiques :
Contrairement à vous, je ne parlerai pas en Son nom. Mais j’ai une intuition. Vous adorez Dieu mais Lui, Il vous déteste.
- Le juge, ancien charpentier reconverti, empêtré dans ses traditions et de plus en plus troublé par la femme qu’il est censé juger.
- Leandra, journaliste américaine, fille d’un millionnaire, pleine de sollicitude, mais pétrie de morale occidentale.
Ce croisement de différentes voix nous offre un roman nuancé, qui fait réfléchir souvent, rire parfois et reste surprenant jusqu’à la fin…